[Cours] L'autobiographique

Cours d’introduction à l’autobiographique

Séance préliminaire : elle doit permettre :
- de donner la définition de l’autobiographie.
- de percevoir les différents genres autobiographiques.
- de comprendre quels sont les passages obligés dans une autobiographie.
- de saisir les problèmes liés à la mémoire et toutes les difficultés de l’entreprise autobiographique.
- de comprendre qui sont les destinataires de l’autobiographie.

A- L’autobiographie.

Histoire : Depuis le XVIème siècle, les mémoires politiques, militaires ou littéraires rapportent les événements historiques auxquels leurs auteurs ont participé, et font la chronique d’une époque.
Avec Les Confessions, Rousseau écrit la première autobiographie moderne. Son influence est considérable.
ex : voir le vol des pommes + analyse du titre Confessions en référence à Saint Augustin.
L’autobiographie se répand aux XIXème et XXème siècles : on s’intéresse à l’essor des individualités, à la diversité des destins personnels.
Chateaubriand mêle dans ses Mémoires d’Outre tombe l’évocation de son enfance et le regard d’un acteur et d’un témoin capital de son temps.
ex : voir le texte extrait des Mémoires de ma vie. Titre.
Les études de Freud, qui aboutissent à la création de la psychanalyse, confirment l’importance de l’enfance et de la sexualité dans la formation de l’individu. Dès lors, les écrivains : Colette, Leiris, Gide, Sartre, Ernaux... ne craignent plus de révéler, dans leur autobiographie, cette part intime d’eux-mêmes.
ex : essor de l’autobio dans les siècles récents. Leur demander de donner des titres d’oeuvres autobio qu’ils connaissent.

Définition : récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre vie. Identité entre narrateur, auteur et personnage principal. (Philippe Lejeune).
L’écrivain conclut un pacte avec son lecteur en affirmant qu’il est bien le héros de son récit. L’écrivain, en même temps qu’il nous affirme que le personnage de son récit est lui-même, nous promet de dire la vérité. Ce qui importe le lecteur, c’est que l’auteur ait le souci de dire sa propre vérité. Elle se révèle aussi à travers ses déformations. Voir plus loin problème de la vérité et de la sincérité.

Les contraintes de l’écriture autobiographique.

# Énonciation, système des personnes.
Le je ne permet pas d’assimiler l’auteur et le narrateur. Tout texte à la première personne n’est pas autobiographique.
Je : la première personne grammaticale devient un critère essentiel du genre. Le je désigne tantôt le sujet de l’énoncé, tantôt le narrateur adulte qui revit la scène en l’écrivant. Il est donc indispensable de distinguer le narrateur du personnage et cela en lien avec le temps de l’énonciation.
ex : Rousseau, Chateaubriand, Stendhal. Problématique du je omniprésent. Se dire n’est pas toujours facile. Personne utilisée pour montrer, selon Stendhal les “mouvements intérieurs de l’âme”. Distance instaurée quand on parle de soi à la trosième personne.

Tu : certains s’adressent à eux-mêmes en utilisant le tu, en s’adressant à l’enfant qu’ils étaient.


Il-elle : parler de soi à la troisième personne, ce n’est pas toujours signe d’orgueil ou d’humilité.

# Énonciation : système des temps.
Passé : récit rétrospectif donne une part privilégiée au passé.

Ordre de la narration : le récit rétrospectif permet de jouer avec le temps, de reconstruire le passé sous l’éclairage des temps postérieurs, l’ordre de la narration étant l’ordre de la mémoire. Conjointement à l’étude des temps, il faudra donc interpréter la structure narrative, en particulier les ellipses et les résumés. Pourquoi est-on amené à taire ? à résumer ?
ex : Perec : “je n’ai pas de souvenirs d’enfance”. Petite enfance sous le signe du traumatisme, enfouie dans la conscience.

Présent : le présent est souvent utilisé dans l’autobiographie comme présent de narration (ex : Rousseau). En effet, les épisodes rapportés sont tellement importants pour le narrateur que le dynamisme de ce temps est alors utile.
Il faudra le distinguer du présent du moment de l’écriture, qui sert lui à produire une réflexion quant à cette écriture autobiographique.

# La mémoire : le biographe et l’autobiographe peuvent déformer la réalité des faits rapportés, délibérément pour donner une image flatteuse, ou par les défaillances de la mémoire. La mémoire est ainsi directement liée aux problèmes de la sincérité et de la vérité.
La plupart du temps, l’autobiographe s’engage à être sincère (voir préambules), il s’engage à ne rien cacher de ses faiblesses. Les déformations apportées par le narrateur vont pourtant être révélatrices.
ex : déformation de l’épisode des pommes chez Rousseau. Version héroïcomique pour mettre en valeur les actes de l’enfant.
ex : Chateaubriand, pacte de sincérité envers le lecteur : “me montrer meilleur que je ne suis ? ... je suis résolu à dire toute la vérité ... pas de raisons de mentir ... si je me fais illusion sur moi, ce sera de bonne foi”.
ex : Stendhal : choix des blancs pour les trous de mémoire, volonté de montrer sa bonne foi.

A ces notions de sincérité et de vérité est liée celle de pudeur : se dire, dans tous ses secrets, dans toute son intimité. Gêne et autosatisfaction.
ex : Chateaubriand : “par la vanité et le plaisir qu’on trouve naturellement à parler de soi, révèlent au monde des secrets inutiles, des faiblesses...”

Le problème de l’objectivité et de la sincérité se pose aussi pour la biographie : on raconte la vie de quelqu’un qu’on admire, donc manque d’objectivité et volonté de valoriser la personne. Il peut aussi s’agir de rétablir la vérité sur une personnalité qui a été malmenée.
ex : Soupault : “image véritable et véridique”.

# Que raconter ? Pourquoi raconter ? L’écrivain fait le récit de son enfance et des épisodes qui l’ont marquée pour mieux comprendre son caractère et les décisions qu’il a prises. Instrospection qui amène à retrouver une unité et à expliquer ce qui a fait de lui tel ou tel homme.
Buts de l’écriture autobio :
- se connaître.
ex : Chateaubriand : “j’écris principalement pour rendre compte de moi à moi-même.” / “expliquer mon inexplicable coeur”.
ex : Perec : “le cheminement de mon histoire et l’histoire de mon cheminement.” “lent déchiffrement.”
- faire le bilan.
ex : Stendhal : “je devrais écrire ma vie, je saurai peut-être ... ce que j’ai été, gai ou triste, homme d’esprit ou sot, homme de courage ou peureux, et enfin, au total heureux ou malheureux.”
- lier histoire personnelle et Histoire :
ex : Chateaubriand et le principe des mémoires.
ex : Perec : “une autre histoire, la Grande, l’Histoire avec sa grande hache, avait déjà répondu à une histoire de mon enfance”.
- lutter contre le temps qui passe et l’approche de la mort.
ex : Chateaubriand : “je veux avant de mourir... expliquer mon inexplicable coeur”.
- rendre hommage à une personne chère. C’est le cas de l’autobiographie, on le verra dans la séquence avec le travail sur Cohen. C’est bien entendu le cas de la biographie. Admiration pour la personne dont on raconte la vie.
ex : Philippe Soupault parle de Musset. Volonté de rétablir une image de vérité par rapport à tout ce qu’on a pu dire de lui, tout ce que ses contemporains ont analysé.
- rétablir la vérité (sur des actes, sur une réputation...) :
ex : voir dans le texte de Rousseau l’alternance entre le récit de l’épisode et les commentaires du narrateur adulte, tendant à justifier les actes de l’enfant qu’il était : “je jugeais que me battre comme un fripon, c’était m’autoriser à l’être”
ex : Chateaubriand : voir toutes les allusions à la calomnie et à la volonté de rétablir son image : “tout homme qui a joué un rôle dans la société doit, pour la défense de sa mémoire, laisser un monument par lequel on puisse le juger.”

B- Le biographique, les différents genres.

Autobiographie : voir plus haut.

Autobiographie romancée (ou roman autobiographique) : l’écrivain rapporte une partie de sa vie en cédant au plaisir de l’écriture romanesque. Il peut créer un nom nouveau pour le personnage qui le représente. Part de ficiton est donc importante.
Distinction ténue entre autobiographie romancée (autobiographie qui offre une grande part de fiction, d’invention) et un roman autobiographique (roman, invention, avec une grande part d’autobiographique !!).
Voir cas particulier du texte de Perec. Autobio + fiction.

Journal intime : auteur, narrateur et personnage principal ne font qu’un mais le récit se fait au jour le jour. Écriture discontinue plus libre que l’autobiographie, les événements intimes se mêlent aux événements extérieurs. En principe, le lecteur du journal n’est autre que l’auteur, confession et introspection jouent donc un grand rôle.

Essai : identité auteur-narrateur-personnage. Chronologie abandonnée au profit d’un ordre très libre qui suit les pensées de l’auteur. Pensée et expérience personnelle donnent lieu à une réflexion d’ordre plus général.

Mémoires : auteur témoin des événements racontés et non pas personnage principal. Accent est mis sur le récit d’événements historiques et non sur la vie personnelle.
ex : Chateaubriand : “et quand je me sentirai las de tracer les tristes vérités de l’histoire, je me reposerai en écrivant l’histoire de mes songes”. Lien entre Histoire et histoire personnelle.

Biographie : récit de la vie d’une personne réelle mais fait par une autre personne. Narrateur peut donc revendiquer un rôle critique.
ex : Soupault parle de Musset.


Il faut lire dans le manuel le cours à partir de la page 354, qui regroupe les problématiques essentielles liées au biographique.